Il est malaisé d'assigner
une époque exacte à la fondation du château de Tourves. Ce qui est
indiscutable, c'est que, après avoir occupé pendant des siècles la montagne
de Saint-Probace, les habitants de Turis (d'où est venu Tourves) songèrent à
quitter les hauteurs lorsqu'ils virent les incursions des Sarrazins avaient cessé. Sans s'établir complètement dans la
plaine, ils bâtirent leurs demeures sur les coteaux (comme Seissons et Gueillet,
deux villages dont il ne reste aujourd'hui que le nom et quelques ruines).
C'est à ce moment qu'il
faut placer la fondation du château sur la colline où il se trouve, c'est à
dire du Xe au XIe siècle.
Le château
ne se composait à vrai dire que d'une tour carrée, ou plutôt rectangulaire,
ayant seize mètres de long sur huit de large. On voit encore aujourd'hui au
milieu des ruines, ses murs en partie debout et qui mesurent 1,70 mètre
d'épaisseur. Autour
de lui vinrent se grouper l'église et les demeures des habitants qui se
plaçaient sous sa protection. C'est le premier village
de Tourves (appelé plus tard quartier Saint-Sauveur et aujourd'hui disparu) qui
formait, avec Seissons et Gueillet, la vallée de Tourves et en était le
chef-lieu.
Le pays de Tourves faisait
partie du domaine royal des rois de Jérusalem et de Sicile, comtes de Provence.
En l'année 1352, la reine Jeanne, pour reconnaître les services que lui avait
rendus Raymond des Baux, lui donna la vallée de Tourves et, par
lettres patentes de l'année 1352, enjoignit à la communauté et aux
particuliers de Tourves, Seissons et Gueillet
d'avoir à le reconnaître pour leur seigneur. Les habitants protestèrent et
envoyèrent des députés à la reine Jeanne pour demander que cette donation
fût révoquée ; leur requête ne fut pas accueillie ; tout ce qu'ils purent
obtenir fut que les droits et privilèges dont ils jouissaient leur seraient
maintenus. Cela leur fut reconnu par un acte public de 1354. (Toutes ces pièces
figurent aux archives de la commune de Tourves, registre Pelican, folio 391).
Raymond
des Baux, mort sans enfants, Tourves passa à la famille des d'Arcussia, puis à
celle des Vintimilles ; enfin, en l'année 1650, Jean-Baptiste de Valbelle ayant
épousé Anne de Vintimille, devint seigneur de Tourves.
Les de Valbelle descendaient des vicomtes de Marseille et par eux des comtes de
Provence. Du XIIe au XVIIIe siècle, cette famille
produisit une suite de personnages remarquables ; elle se composait de plusieurs
branches riches et puissantes ; mais les branches de Baumelles et d'Aiglun
s'étaient éteintes en 1616, celle de Montfuron en 1632, les deux dernières
branches héritières de toute la fortune de la maison se réunirent, en 1723,
par le mariage d'André Geoffroy de Valbelle, marquis de Rians, baron de Meyragues, avec
Marguerite-Delphine de Valbelle, unique héritière des marquis de Tourves. De
ce mariage naquirent :
- Joseph Ignage Cosme de Valbelle, marié à une de Chavigny et mort sans
enfant.
- Joseph Alphonse Omer de Valbelle, le dernier du nom, mort célibataire à 49
ans.
- Anne Alphonsine de Valbelle, mariée à Henry de Castellane, marquis de
Majastre.
En 1767, à la mort de son
frère aîné, Joseph -Alphonse Omer de VALBELLE hérita des
titres des diverses branches de sa famille. Il devint marquis de Tourves, de Rians, de
Montfuron et de Bressuire, baron de Saint-Symphorien et de Meyrargues, comte de
d'Oraison, de Valbelle, de Sainte-Tulles et de Cadarache, Rougiers, Venelles,
Peyrolles, Mousteyret, Levens, le Reveste, Cucuron.... l'un des quatre premiers
barons du Dauphiné, lieutenant du roi en Provence, maréchal de camp. Il fit
construire sur l'ancien donjon médiéval une véritable résidence princière.
Il y donna des fêtes somptueuses, Mirabeau écrivit de lui c'était une cour d'amour
présidée par le plus magnifique seigneur de la Provence . Le château de
Tourves a été jusqu'à sa mort le temple du goût, des plaisirs et des arts.
En signe de
reconnaissance et de piété filiale à Cosme Maximilien Joseph Louis, son
aïeul maternel, il fit ériger un obélisque de vingt-quatre mètres de haut,
sur lequel on peut y lire ces vers Conserve ma devise, elle est chère à mon
cœur. Les mots en sont sacrés, c'est l'amour et l'honneur .
La fantaisie du
comte, le poussa à faire construire un faux vieux fort . Il fit édifier un
bâtiment ressemblant à un temple païen, puis le mutila à coup de marteaux,
en laissant les ruines apparentes sur lesquelles il éleva une église du moyen
âge. Il la démoli à son tour pour y construire une écurie. Sur le mur ouest
il fit graver ces vers A grandeur trop souvent succède ignominie; de temple
que j'étais, église je devins. J'en conçus trop d'orgueil, on m'a fait
écurie : Passant qui vois l'affront dont ma gloire est suivie, apprends, sans
murmure, à céder aux destins .
Il mourut à
Paris en novembre 1778 à l'âge de quarante-neuf ans d'une attaque d'apoplexie,
après une entrevue avec LOUIS XVI, qui venait de le nommer Commandant pour le
Civil en Provence .
En
1792 le château appartenant alors au comte de Castellane fut transformé en
hôpital pour l'armée d'Italie. L'année suivante, il fut saccagé de fond en
comble. Il tomba petit à petit en ruines et un siècle durant, les villageois
vinrent y quérir les matériaux de construction dont ils avaient besoin. L'urne
en pierre sculptée du jardin orne aujourd'hui la fontaine de la place de la
mairie, les bancs en pierre qui l'entourent proviennent de l'esplanade du
château. Le baptistère de l'église n'est autre qu'un ancien lavabo et la fontaine aux mascarons se trouvait
autrefois dans le parc de Valbelle.